John Patrick Shanley dévoile les secrets de "DOUTE"

Par stephany le 03/04/2009

Photo : John Patrick Shanley dévoile les secrets de "DOUTE"

Le réalisateur a répondu à nos questions à l’occasion d’une table-ronde virtuelle.

A l'occasion de la sortie américaine de “Doute” en DVD et Blu-ray le 7 avril prochain, Disney a convié Pyxidis.fr à une table ronde virtuelle en compagnie du réalisateur John Patrick Shanley, nominé aux Oscars pour le prix de la "Meilleure adaptation".

"Doute", actuellement à l’affiche en France, est l’un des films les plus marquants de l’année 2009. Unanimement salué par la critique et le public, ce film a été nominé cinq fois aux Oscars, dont quatre nominations liées aux performances exceptionnelles de ses acteurs : Meryl Streep, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams et la surprenante Viola Davis.

Le réalisateur a répondu à nos questions pour évoquer le tournage de "Doute", dévoiler l'inspiration qui l'a mené à écrire ce fascinant scénario et partager son point de vue sur les moments clés du film.

D'où est née l'idée de "Doute" ?
John Patrick Shanley : J'ai écrit "Doute" pendant l'invasion d'Irak, et j'écoutais les gens à la télévision qui semblaient très certains des faits qu'ils évoquaient. Je me suis senti oppressé. Et quand j'ai mis un nom sur ce sentiment d'oppression que je ressentais, j'ai réalisé que j'avais des doutes. C'est aussi ce qui m'a rappelé une autre période de ma vie, les années 60, quand je me sentais justement oppressé et en pleine période de doute.

Y a-t-il un accident, une rumeur ou un scandale en particulier qui a inspiré l'histoire de "Doute" ?
Non.

Pourquoi avez-vous adapté la pièce en film et quelle en est la valeur ajoutée ?
Quand je racontais l'histoire par l'intermédiaire de la pièce, j'ai dû compresser beaucoup d'éléments. Lorsque j'ai fait le film, j'ai été capable de l'ouvrir à d'autres dimensions et d'intégrer les écoliers, les nonnes dans leur couvent, mais aussi les prêtres dans leur presbytère et la congrégation.

Auriez-vous pu laisser la réalisation de "Doute" à quelqu'un d'autre, comme cela s'est passé pour les autres scénarios que vous avez écrits ?
Oui, bien sûr, quelqu'un d'autre aurait pu le réaliser. Je ne sais pas ce que cette personne en aurait fait mais il est certain que ça n'aurait pas ressemblé au film que j'ai fais.

Vous avez changé le titre de votre pièce : au lieu de "Doute - une parabole", c'est devenu "Doute". Le film est ensuite sorti à l'écran, et la mention de la parabole a disparu du titre. Pourquoi cela ? N'est-ce plus une parabole ?
La pièce s'appelait "Doute : une parabole" et on a appelé le film "Doute". La pièce était jouée un peu partout donc les gens savaient que c'était un peu davantage qu'une simple histoire qu'on leur racontait, donc je ne voulais pas leur imposer ce qui semblait être une évidence.

Monsieur Shanley, les acteurs ont-ils donné des idées qui ont inspiré des interprétations différentes par rapport à la pièce originale?
Meryl Streep était en train de tourner la scène de la grande confrontation avec Philip Seymour Hoffman et elle a commencé à dire, en réponse à sa question, "Avez-vous déjà fait quelque chose de mal" ? Comme si quelqu'un confessait son péché à un Prêtre. C'est une interprétation à laquelle je n'avais pas pensé mais que j'ai aimé.

Meryl Streep est considérée comme une actrice de talent et très appréciée du grand public (Mamma Mia!). Quelle type de qualités apporte t-elle à une production ? La célébrité en fait-elle une actrice compliquée à diriger ?
Non. Elle est complètement, éminemment dirigeable. Elle est espiègle, très intelligente -- avec une présence charismatique. Même elle ne sait pas comment elle va tourner une scène la moitié du temps. Pour cette raison, elle aime et apprécie être dirigée. Elle ne veut pas faire n'importe quoi.

Dans le film, est-ce que la tempête a une signification plus profonde ?
C'est aux spectateurs de décider. Je fais, ils interprètent. C'est comme ça que ça se passe.

Quelle a été votre approche pour filmer le sermon d'ouverture ?
En fait, quand j'ai écrit le scénario, j'ai réalisé que ça devait être une scène pendant laquelle s'affrontaient face-à-face deux combattants pour la première fois. C'est ça qui a dicté la manière dont j'ai écrit et filmé la scène. L'entrée de Soeur Aloysius est le contrepoint du sermon de Père Flynn.

Est-il question de faire revenir la pièce "Doute" sur Broadway ou alors de faire une tournée ?
Non. "Doute" est la pièce la plus jouée actuellement aux Etats-Unis. Dieu sait qu'elle est déjà largement assez exposée.

Le doute existe à beaucoup d'endroits. Pourquoi avoir choisi ce cadre en particulier ?
C'est le cadre qui m'a choisi. J'ai grandi au sein d'une classe ouvrière dans le voisinage du Bronx. Les événements de "Doute" ont donc lieu à cet endroit de manière réaliste. Les extérieurs incluent l'église où j'allais à l'école, la rue dans laquelle j'ai grandi, les toits sur lesquels j'ai joué, et les allées dans lesquelles je rôdais.

Filmer la scène de confrontation finale a-t-elle constitué un défi pour vous ?
C'était un acte brutal d'athlétisme pour les acteurs. Pour que ce soit bien fait, nous avons dû leur demander d'aller dans un endroit chargé de monde encore et encore pendant trois jours. Nous avons dû décomposer la scène de manière à faire apparaître des milliers de regards dans lesquelles on pourrait lire des motifs d'action réalistes pour justifier le nombre de mouvements de la caméra et de façon à garder la vitalité de la scène.

Est-ce que ça vous arrive de désirer d'avoir plus de certitudes dans la vie ?
Il m'arrive parfois de désirer la mort.

Quel est votre scène ou citation favorite de l'adaptation cinématographique ?
Ce n'est pas mon job de dire ça.

"Doute" marque votre retour à la réalisation depuis "Joe vs. The Volcano" en 1990, aussi basé sur l'une de vos pièces. Qu'est ce qui vous a pris autant de temps pour revenir derrière la caméra ?
Après le long tournage de Joe vs the Volcano, tout ce que je voulais faire c'était rentrer chez moi et retrouver mes racines en tant que scénariste. J'ai adopté deux enfants, ce qui m'a beaucoup sollicité, et j'ai dû lutter contre une forme avancée de glaucome, ce qui m'a rendu aveugle temporairement et a nécessité de nombreuses opérations chirurgicales. La pièce "Doute" est devenue un phénomène et l'opportunité de le faire en film était là, donc tout est parti de là avec l'aide de Scott Rudin.

Saviez-vous dès le départ que vous vouliez faire un film de la pièce de théâtre "Doute" ?
Non. Je ne savais pas du tout que j'allais adapter "Doute" en film jusqu'à ce qu'on me le propose. Quand j'ai accepté le job, j'ai dû sérieusement réfléchir à la manière dont j'allais faire tout ça.

Pourquoi n'avez-vous pas pris les acteurs de la pièce initiale ?
C'est quelqu'un d'autre qui dirigeait la pièce -- Doug Hughes. Il a fait du très bon travail. Je n'avais pas l'intention de m'approprier son travail. Je n'avais pas réalisé un film depuis 18 ans donc je pensais vraiment que c'était important que je puisse y apposer ma propre marque.

Aviez-vous votre mot à dire pour le casting?
C'est moi qui ait effectué le casting.

Comment s'est déroulée la coopération avec Miramax ? Vous ont-ils laissé libre de vos choix ?
Le collaborateur en chef et l'intermédiaire entre moi et Miramax était Scott Rudin. Miramax a fait part de ses opinions, opinions qui étaient bien utiles. C'était donc une collaboration efficace.

Le sujet traité dans le film (et dans la pièce) est assez pertinent à notre époque. Pourquoi avez-vous choisi de le placer dans les années 60 ?
J'ai écrit la pièce pendant l'invasion d'Irak. A la télévision, beaucoup de personnes évoquaient avec certitude des "armes de destruction massive", et j'ai ressenti un certain sentiment d'oppression. J'ai réalisé que ce sentiment était en fait du doute. C'est ce qui m'a rappelé mes jeunes années, dans les années 60, lorsque j'étais entouré de certitudes. J'ai douté pour la première fois et c'est de là que l'histoire est partie.

Est-ce que vous savez si Père Flynn est coupable de ces actes horribles ou est-ce un secret même pour vous?
En tant que raconteur d'histoires, je ne sais pas si Père Flynn était coupable donc ce que j'ai filmé ne répond jamais véritablement à cette question. Nous étions aussi très prudents durant le montage à ne pas surcharger la narration d'une manière ou d'une autre.

A la fin, un sentiment de doute subsiste pour le spectateur. Avez-vous établi une image claire rien que pour vous de ce qui s'est réellement passé ?
L'histoire est racontée du point de vue des nonnes. Nous savons ce qu'elles savent, et elles ne savent évidemment pas tout.

Bien que le film et la pièce ne dévoilent pas exactement ce qui s'est passé à la fin, avez-vous reçu des échos négatifs en provenance de l'Eglise Catholique ?
Non, bien au contraire. J'ai eu des commentaires de la part d'un grand nombre de prêtres et de nonnes, et ils ont tous répondu unanimement de manière favorable.

Est-ce que c'était important pour vous que les acteurs connaissent la pièce originale ?
Meryl Streep, Phillip Seymour Hoffman et Amy Adams avaient vu la pièce. Ce n'était pas le cas de Viola Davis. Ils avaient tous lu la pièce.

Amy Adams = y a-t-il un de ses films que vous avez particulièrement aimé et qui vous a incité à la choisir pour interpréter le rôle pivot du film ?
Junebug.


Tous nos remerciements à Disney et à John Patrick Shanley pour avoir répondu à nos questions !

"Doute" est actuellement à l’affiche en France et sortira en DVD et Blu-ray très prochainement.

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